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Esport - Neo, fondateur de Vitality : « On a changé de dimension »

Fabien « Neo » Devide a fondé Team Vitality en 2013. (Cocoricosun)
Fabien « Neo » Devide a fondé Team Vitality en 2013. (Cocoricosun)

Le renouvellement de sa star Mathieu « ZywOo » Herbaut ce mardi le montre : Counter-Strike a pris une place immense dans le développement de Team Vitality. Alors que le club français sort de son année la plus faste en termes de résultats, L'Équipe s'est entretenue à ce sujet avec son fondateur Fabien « Neo » Devide.

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« Commençons par l'actualité chaude : votre club, Vitality, vient d'annoncer la prolongation de contrat jusqu'en 2026 de Mathieu « ZywOo » Herbaut, meilleur joueur de Counter-Strike du monde. Qu'est-ce que ça représente pour vous ?
Conserver un phénomène mondial, un extraterrestre du jeu deux ans de plus, ça garantit un futur étincelant et victorieux pour Vitality. C'est une marque de confiance sur notre capacité à l'entourer, l'accompagner sur des étapes de sa carrière. On l'a connu quand il avait 18 ans, il en a maintenant 23. Beaucoup de choses se sont passées entre-temps, dont de gros titres individuels et collectifs... C'est un mariage qui fonctionne, qui est là pour durer, ou tous les partis sont épanouis, ont une belle relation et une envie de prolonger cette lune de miel.

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On a l'impression que Counter-Strike a pris beaucoup de place chez Vitality. C'est devenu la locomotive du club ?
Oui, dans le sens où, depuis 2018, on a gagné au moins un titre majeur par an. On y a développé un ADN. On sait ce qu'on veut faire et je pense que c'est une vraie différence avec d'autres jeux où on n'a pas atteint le même degré de maturité au niveau de l'encadrement. Surtout, on a toujours su trouver des solutions, intégrer des gens, les faire adhérer à notre vision. Quand des nouveaux arrivent chez nous, ils rentrent dans un système rodé. On n'a pas la même dynamique sur League of Legends... Quand on regarde l'éclosion de Nuc (Ilias Bizriken, joueur de la Team BDS) par exemple, on lui a laissé du temps, il a réussi à éclore et il est devenu un super joueur. C'est un truc sur lequel il faut apprendre.

Mais en termes de modèle économique, de dimension que ça nous donne... Être un top trois sur Counter-Strike, ça a autant de valeur que de gagner le LEC (l'élite continentale sur League of Legends) pour moi, alors que c'est quelque chose d'extrêmement dur. Et puis c'est ce qui nous a fait vivre nos émotions les plus fortes. C'est devenu du pain béni pour nous.

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Vous avez fait des choix économiques, récemment, avec des arbitrages en faveur de Counter-Strike...
Nous sommes dans une période où nous ne pouvons pas refaire ce qui a été fait en 2021 en termes d'investissements. C'était un mauvais timing. Aujourd'hui, tout le monde est un peu plus conservateur et nous aussi, nous voulons réduire les investissements et nous rapprocher de l'équilibre financier. Et qui est le visage de Vitality, quelle est l'équipe qui a le potentiel d'avoir un impact international, qui peut nous permettre d'atteindre nos objectifs économiques, sportifs, de reconnaissance ? C'est Counter-Strike, avec ZywOo.

Quand il y a des investissements à faire, c'est mieux de le faire sur des gens qui sont des valeurs sûres. On lui doit énormément. Gotaga a porté les premières années de Vitality, lorsque nous avions un modèle basé sur l'influence. Mais aujourd'hui, dans ce que représente ZywOo pour le club, dans cette phase d'internationalisation, c'est lui qui apporte le plus à l'organisation.

On a le sentiment que gagner un Major sur Counter-Strike a enfin propulsé Vitality à un niveau supérieur.
Ce sont ces titres qui font des différences. On l'a vu, on galère sur League of Legends, mais nous sommes quand même couronnés organisation de l'année au niveau mondial. Alors que LoL prend énormément de place ! On a changé de dimension après ce Major, oui. À chaque fois qu'on se déplace à l'étranger, tout le monde nous félicite. C'est paradoxal parce qu'en France, nous sommes décriés.

Sur Spinx, Vitality renvoie à ses précédentes déclarations
Neo a été interrogé sur la question du cas de Lotan « Spinx » Giladi, joueur israélien de Vitality qui, en novembre dernier, avait liké sur X (ex-Twitter) des publications de propagande anti-Palestine dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas - ce qui avait suscité la colère de nombreux suiveurs sur les réseaux, fans de Vitality ou pas.
Le club a toutefois expliqué se tenir à la déclaration de Nicolas Maurer, CEO et cofondateur de la structure, quelques jours après l'affaire : « Depuis dix ans, nous défendons un esport inclusif et respectueux, réagissait ce dernier dans nos colonnes. Nous condamnons sans équivoque le comportement de Spinx, ce qui a mené à une sanction en interne. Nous avons aussi parlé à nos joueurs, à notre staff et à certains de nos supporters, en rappelant nos règles et en expliquant notre position. Face à l'atrocité de la situation actuelle, nous répétons notre engagement contre toute sorte de violence, qu'elle soit physique ou morale. »

Parce que de nouvelles structures ont vu le jour, de nouvelles communautés, derrière un modèle « d'influenceurs »... Mais ça vous prouve que le vôtre est viable ?
Et leur modèle, c'était le nôtre il y a dix ans. Tout est cyclique. On a survécu à des départs, des décisions parfois très mauvaises. Les super teams auraient pu nous faire beaucoup de mal... Deux ans après, on se retrouve meilleure organisation de l'année, avec une gestion financière impeccable et une trajectoire de croissance phénoménale. Et le modèle des influenceurs, moi, je le trouve vertueux...

La KC a obligé nos fans à en faire plus, à interagir plus, à avoir ce côté « clubiste » qu'il n'y avait pas forcément avant, quand il s'agissait davantage de faire partie d'une grande famille. Ça a amené ce truc à la fois extrême mais aussi positif, ça a fait du bien autant que ça a amené des travers. Mais c'est le jeu. Et ça nous oblige à regarder dans le rétro.

On a aussi l'impression que le choix de l'internationalisation par Vitality est de plus en plus payant, avec le temps et face à cette nouvelle adversité.
On a toujours voulu monter une organisation et des équipes qui soient des références mondiales et je pense que c'était une suite logique pour atteindre notre maturité. D'ailleurs, les nouveaux clubs qui ont une envie de conquête plutôt locale sont en train de faire la transition vers l'international plus vite que nous. Maintenant, on essaye de garde nos attaches avec la France, une relation privilégiée, parce que nous sommes installés à Paris.

Mais Counter-Strike est un parfait exemple de réussite sur cette question. On a une bulle du joueur français ou francophone, qui crée beaucoup d'entre-soi... Sur Rocket League, ça commence déjà à changer d'ailleurs. Il n'y a pas d'union sacrée, ça n'existe pas.

Vos porte-drapeaux restent Français : ZywOo, zen (Alexis Bernier, récent champion du monde de Rocket League)...
Parce que c'est encore moi qui fais pas mal de scouting. Dans le bouche à oreille, les discussions avec d'autres joueurs, j'ai quand même tendance à voir un peu plus facilement les Français. Après ZywOo, zen, ce sont surtout des ovnis. D'ailleurs la seule façon pour moi de capter zen, c'est de le prendre quand personne ne le veut, que personne ne veut prendre un risque. Parce qu'à son âge, les clubs d'influenceurs, créateurs de contenu, c'est une priorité. Donc je dois le prendre quand il est banni. Et comme pour ZywOo, on a pris le temps de construire une relation. Avec sa famille, son lycée pour qu'il continue les cours... Comme ça, quand il commence, il connaît tout.

On crée des choses avec eux qui ne se voient pas, on ne communique pas dessus. Mais on crée des relations particulières, sincères. Aujourd'hui, zen m'appelle « papa » et il appelle tout le monde « tatie », ça le fait marrer, il en joue... Lui, c'est quand même quelque chose, il était conditionné, c'est Mbappé. Quand je l'ai eu en face de moi pour la première fois, il a tout de suite voulu m'impressionner. La première chose qu'il m'a dite, c'est qu'il savait qu'il était le meilleur joueur du monde.

Ensuite, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire, les mecs ont créé une alchimie, une entente hors du commun dès le premier match. Ferra (Victor Francal, coach de l'équipe Rocket League en 2023) a aussi fait un très bon taf avec le gamin au quotidien. Il faut lui rendre aussi ce qui lui appartient.

Mais aujourd'hui, dans cette idée d'internationalisation, il ne manque pas un visage qui ne soit pas français chez Vitality ?
Je ne sais pas... Twisten (Karel Asenbrener, ancien joueur de Valorant décédé l'an passé) l'a été un peu. Emblématique, talentueux, charismatique... Il avait le potentiel d'être ce joueur. Maintenant, oui, on cherche. On a essayé de le trouver avec Perkz (Luka Perkovic, ancien joueur de League of Legends entre 2022 et 2023). Mais ça viendra, runneR (Emil Trajkovski) sur Valorant peut le devenir.

On a l'impression d'enfoncer une porte ouverte mais 2023 a été la meilleure année de Vitality, sur les dix depuis la naissance du club ?
C'est à la fois la pire et la meilleure. La pire d'un point de vue humain, pour ce qui est arrivé à Twisten. Parce que se lever un matin et devoir annoncer à ses joueurs que leur coéquipier est mort, ce n'est pas un truc que j'avais envie de faire. Nous avons été anéantis. De manière générale, je pense que la santé mentale dans l'esport n'a jamais été aussi précaire et fragile, pour beaucoup de gens.

De mon côté, j'essaye d'être le leader par l'exemple que j'ai toujours voulu être, même si je suis imparfait, c'est certain... Mais je poursuis mon rêve, que ce club me survive. J'ai toujours voulu que Vitality ne dépende de personne et s'inscrive dans le temps comme un club qui reste et se transmet. »

Financièrement, Vitality vise « la profitabilité pour 2025 »
Sur l'équilibre financier dont souhaite « se rapprocher » Vitality, dixit Neo, le club a accepté de donner des détails via son autre cofondateur et PDG, Nicolas Maurer. « 2023 a marqué la fin d'une période d'investissements forts, en LEC notamment, explique le dirigeant. Notre chiffre d'affaires a augmenté et nos coûts ont diminué, au niveau des salaires des joueurs par exemple qui sont plus en phase avec la valeur de l'écosystème. Si tout se passe bien, on vise la profitabilité pour 2025.

L'augmentation de nos revenus se manifeste à plusieurs endroits : la redistribution évolue dans le bon sens, notamment sur Counter-Strike où l'on peut générer plusieurs millions par an en fonction des résultats et notamment les stickers (cosmétiques vendus en ligne pendant les Majors, et Vitality a remporté le dernier, ndlr), et nous sommes aussi bons sur la monétisation de nos partenariats. [...] Notre but est d'avoir le moins de levées de fonds possible.

L'organisation chez nous n'a pas changé depuis 2018. On a des actionnaires majoritaires qui nous laissent avoir le contrôle et le pilotage de la société. Tej Kohli reste le principal investisseur, à travers le family office Cascade Global, et la société Rewired. C'est cette structure qui investit dans Vitality, et qui désigne un board pour nous accompagner. »
publié le 12 mars 2024 à 18h00 mis à jour le 12 mars 2024 à 18h00
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