L'ÉQUIPE

League of Legends : pour G2 et l'Europe, comment rattraper l'Asie ?

Les champions d'Europe de G2 entrent en lice vendredi matin au MSI. (Michal Konkol/Riot Games)
Les champions d'Europe de G2 entrent en lice vendredi matin au MSI. (Michal Konkol/Riot Games)

Le champion d'Europe de League of Legends, G2 Esports, entre en lice ce vendredi matin au MSI. Après les débuts difficiles de Fnatic (Europe) ou Team Liquid (Amérique du Nord) au tour principal, est-il possible d'être optimiste face à la Chine ou la Corée du Sud ?

Pas le temps de lire cet article ? Découvrez la lecture audio.
ma liste
commenter
réagir

Au moment de faire le bilan, ce mercredi après-midi, de la performance de Fnatic contre les champions en titre de Corée du Sud, GenG, pour l'entrée en lice des deux équipes au tour principal du MSI (tournoi intercontinental de mi-saison sur League of Legends à Chengdu, en Chine), il flottait dans l'air un sentiment de résignation du côté des observateurs occidentaux.

L'ÉQUIPE

Oui, les finalistes du Championnat d'Europe ont fait ce qu'on attendait d'eux contre le favori de la compétition : ils ont montré un visage intéressant, se sont bien défendus, un peu plus que ça même sur certaines phases de jeu... Mais en fin de compte, GenG s'est imposé 3-0 et sans franchement forcer son talent.

Ce sentiment d'impuissance persiste depuis plusieurs années maintenant, et malgré quelques fulgurances l'écart entre la Corée du Sud ou la Chine avec le reste du monde - et notamment l'Europe et l'Amérique du Nord, les deux autres régions dites « majeures » - paraît plus grand que jamais. Les raisons sont multiples et ont été maintes fois évoquées : le niveau individuel, collectif, l'approche globale de l'esport, la motivation...

L'ÉQUIPE

Des différences à tous les niveaux

« La différence de qualité de laning est énorme entre le serveur sud-coréen et ce qu'on a en Europe, explique d'abord Thomas « Zaboutine » Si-Hassen, ex-coach au plus haut niveau nord-américain. En Europe seulement 60, 70 % peut-être des erreurs sont punies. Chovy (le midlaner de GenG) punit 99 % du temps ces écarts. » Des « mauvaises habitudes » ancrées dans les régions compétitives occidentales, qui se répercutent au niveau professionnel et participent à creuser l'écart quand elles ne sont pas corrigées.

« En Asie, tu t'entraînes contre BLG (champion de Chine) ou T1 (les champions du monde Sud-Coréens) quand tu veux. Chez nous, G2 (le champion d'Europe en titre) affronte l'équipe qui vient de se prendre 3-0 par GenG », ajoute Louis-Victor « Mephisto » Legendre, ex-coach en LEC (l'élite européenne). Les défauts sont identifiés, maintes fois cités. « On perd et on dit qu'il faut que ça bouge, mais l'année d'après... rien ne change vraiment », constate Mephisto.

« Un changement de paradigme »

Les deux ex-coaches sont formels : il faut « un changement de paradigme » pour espérer mieux que des coups d'éclat et devenir, en tant que région, un prétendant sérieux aux titres intercontinentaux. « Tant que tu fais la même chose que l'Asie à plus faible intensité, ça ne changera rien, prédit Mephisto. Il faut des changements réels, des tâtonnements, il faut s'imposer des poids pour s'entraîner dans un environnement différent d'aujourd'hui. »

Zaboutine abonde : « Aucun être humain ne peut régler le problème d'une région entière. Déjà, je ne pense pas que tout le monde se pousse en termes de travail et d'éthique individuelle. Il faut aussi que les meilleurs joueurs arrivent à jouer ensemble, que les staffs parviennent mieux à les identifier. Beaucoup de décisions sont basées sur le palmarès et pas le niveau. La mesure objective c'est difficile, mais il y a beaucoup de populisme... »

GenG, les champions de Corée du Sud. (Lee Aiksoon/Riot Games)
GenG, les champions de Corée du Sud. (Lee Aiksoon/Riot Games)

« Je ne pense pas qu'on soit bons pour identifier qui sont les excellents joueurs, poursuit Mephisto. Quand Yike (aujourd'hui jungler chez G2) signe chez LDLC OL (dans le Championnat de France, un échelon en dessous du LEC) en 2022 par exemple, il n'a pas beaucoup d'autres offres. » Mais les deux ex-entraîneurs le reconnaissent : la prise de risque que tout cela implique pour un ordre établi, même en difficulté au niveau international, est énorme et difficile à impulser. Le chemin est long et difficile à arpenter. « Il faut bosser sur notre région, faire en sorte que les joueurs progressent chaque année, analyse Zaboutine. Si on fait monter des jeunes joueurs dans des projets bancals et qu'on les exécute au moindre problème pour les remplacer par un Sud-Coréen qui n'a pas trouvé sa place en LCK, on ne va nulle part ».

G2, le meilleur espoir

Ce vendredi matin (11 heures, heure française) à Chengdu, c'est à G2 d'entrer en piste au MSI. Et le tirage au sort a placé un très gros obstacle sur la route des vainqueurs du LEC : T1. Mais depuis un an, G2 est l'une des rares équipes à avoir entamé un changement de paradigme, à approcher les choses différemment à l'entraînement et en soloq. Les résultats ne sont pas encore au rendez-vous à l'international parce qu'il ne peut pas suivre cette voie en solitaire, mais il y a un petit quelque chose qui en fait, sans nul doute, la meilleure chance occidentale du tournoi... Pas au point, toutefois, d'être très optimiste.

« Je n'attends pas des résultats, affirme d'ailleurs Zaboutine. Si on fait l'observation d'un monde d'écart entre l'Asie et nous, ce n'est pas réaliste d'en demander. J'aimerais juste voir un G2 meilleur que contre Fnatic en Europe. S'ils en sont capables, ça voudrait dire qu'il y en a dans le réservoir pour voir plus loin, progresser. Les résultats sont notre pire ennemi parce qu'ils poussent un raisonnement à court terme : comme on n'en obtient pas, on se frustre et on prend les mauvaises décisions. Si T1 s'impose 3-0 mais que G2 joue bien, qu'on se dit qu'il y a du progrès, moi ça me va. »

Développer son propre style

Pas de quoi espérer mieux ? Peut-être que si. En Europe, G2 a beaucoup travaillé une stratégie en vogue, le swap-lane : une technique qui casse la façon classique de jouer à League of Legends en envoyant la botlane en haut de la carte et inversement, imposant le chaos. Perturbés ce jeudi matin par la possibilité de subir cette manoeuvre, les champions chinois de Bilibili Gaming auraient pu s'incliner face à PSG Talon (qui évolue dans la ligue Asie-Pacifique, 3-2 pour BLG finalement). De quoi conforter les Européens dans l'idée de persister sur cette voie.

« Il y a deux points de travail importants : la macro qui te permet de conclure ta partie quand tu as l'avantage, et une pile de champions magiques pour perturber tes adversaires »

Zaboutine

Développer un style propre, des stratégies innovantes pourrait d'ailleurs bien être l'une des clés pour surpasser la Corée du Sud et la Chine... Un point sur lequel G2 a beaucoup insisté l'an passé, même si les résultats n'ont pas suivi. « Historiquement, beaucoup des victoires européennes sur l'Asie ont été obtenues grâce à des champions particuliers, assure Mephisto. Le Pyke de Wunder, les champions de Perkz sur la botlane en 2019... Ça a forcé les équipes à venir sur le terrain de G2. Trouver quelque chose de fort qui force la réaction, c'est une position intéressante. En jouant avec les armes de l'Asie, tu as peu de chances de gagner. »

Pour s'imposer sur la durée, il faudra tout de même aussi « se reposer sur de bons fondamentaux, tempère Zaboutine. On a peu d'exemples d'équipes européennes qui savaient jouer de la bonne manière en late game. Il y a donc deux points de travail importants : la macro qui te permet de conclure ta partie quand tu as l'avantage, et une pile de champions magiques pour perturber tes adversaires. » Dans une interview récente, Sergen « BrokenBlade » Çelik (le toplaner de G2) expliquait justement que son équipe perfectionnait sa macro cette année, tout en cultivant cette capacité à varier les plans de jeu innovants. La combinaison des deux va-t-elle faire progresser le champion d'Europe au plus haut niveau mondial ? On le saura très vite.

publié le 9 mai 2024 à 20h18
Les commentaires sont soumis à des règles de modération. lire la charte