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Smash Bros - Glutonny : « J'avais peur que ça mette fin à ma carrière »

William « Glutonny » Belaïd porte les couleurs de Solary depuis 2019. (Corentin Boutrige/UFA)
William « Glutonny » Belaïd porte les couleurs de Solary depuis 2019. (Corentin Boutrige/UFA)

De retour d'une série de tournois au Japon, William « Glutonny » Belaïd, meilleur joueur européen de Super Smash Bros : Ultimate, a pris le temps, cette semaine, de revenir sur sa première moitié de saison, marquée par un changement de manette pour cause de blessures récurrentes et une logique baisse des résultats.

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« Vous revenez tout juste d'un séjour de deux semaines au Japon, au cours duquel vous avez participé à deux Majors, le DELTA (13e) et le Kagaribi (9e), avec l'élite mondiale de Super Smash Bros Ultimate. Quel bilan tirez-vous de ce voyage ?
William « Glutonny » Belaïd :
Sachant que j'étais dans une période compliquée, il est plutôt positif. J'ai récemment décidé de changer de manette, parce que mon ancienne me faisait beaucoup trop mal aux mains, et je n'étais pas complètement sûr d'avoir un bon feeling avec ma nouvelle. C'était vraiment du test, je n'étais pas encore à 100 % mais j'ai quand même fait des résultats plutôt corrects.

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Des Américains et des Mexicains, parmi les meilleurs joueurs du monde, étaient aussi venus, mais j'ai réussi à faire le meilleur résultat hors-Japonais. J'ai même réussi à faire deuxième à mon dernier tournoi (le KOWLOON, au plateau un peu moins relevé), qui était assez compliqué. Malheureusement, je n'ai pas réussi à battre en finale Hurt (Taro Yamada, 19e mondial), qui était super fort, même si j'étais à deux doigts. Mais dans tous les cas, je me suis bien amélioré, plus vite que ce que je ne croyais...

Comment en êtes-vous arrivés à cette décision de changer de manette, qui s'est avérée particulièrement contraignante ?
De base, j'ai eu une tendinite au pouce, au tout début d'Ultimate (entre 2018 et 2019). Je travaillais encore en bio-informatique, j'avais trois heures de train par jour et je jouais beaucoup à des jeux mobiles sur le trajet. Je faisais toujours le même mouvement avec mes pouces et visiblement j'étais un peu fragile... Je n'ai pas pu toucher à un téléphone ni à la manette pendant plusieurs mois. Et à partir de là, j'ai une fragilité qui s'est construite au niveau des mains. À chaque fois, j'avais une tendinite qui revenait, qui repartait. Au début, c'était sur le pouce, après c'était sur l'index, le majeur, puis l'avant-bras, l'épaule.

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La manette, ce n'est pas vraiment le vrai déclencheur, mais forcément, ça n'aide pas. Les gâchettes de la manette GameCube (qu'il utilisait jusqu'ici) sont assez solides et assez rigides et, inconsciemment, j'appuyais très fort dessus, ce qui abimait les tendons. Pendant que je jouais, j'avais des espèces de coups d'électricité dans la main, en plein match.

À chaque fois que j'avais ça, j'avais peur d'appuyer une fois encore sur la gâchette et que ça mette fin à ma carrière... Je pensais à ça et ça me perturbait dans beaucoup de tournois. J'en ai eu vraiment marre au Genesis en février, où j'ai fait 13e en perdant contre Zomba (Salvatore DeSena, 15e mondial), le futur vainqueur. La façon dont j'ai joué était horrible, il y a beaucoup de choses que je ratais parce que j'avais peur. Je ne veux plus vivre ça.

Vous avez utilisé trois manettes différentes au Japon. Votre choix de remplacement n'est pas complètement arrêté ?
Non. Je vais utiliser une manette pro (la manette de base sur la Nintendo Switch), mais je ne suis pas encore sûr de quel type. Actuellement, j'ai une Firebird, dont je suis assez content. Je connaissais déjà ce type de manette, parce que je jouais déjà avec sur d'autres jeux plus grand public, pour me détendre, et je savais qu'elle ne me faisait pas mal du tout, que les gâchettes sont beaucoup plus douces.

Je me suis dit que c'était le moment de changer, d'essayer de voir si je peux retrouver mon niveau avec. Si j'y arrive, tant mieux. Si je n'y arrive pas, on verra si je reviens à la manette Gamecube ou si j'assume de perdre du niveau, tant pis. Mais je ne voulais surtout plus avoir cette pression mentale en plein match. Et même dans la vie de tous les jours, j'en avais marre de me détruire les mains rien qu'en épluchant des patates.

Depuis quelques semaines, vos douleurs ont donc disparu ?
Je reste un humain fragile... Mais ce n'est plus du tout une douleur suffisante pour me gêner en plein match.

Ce changement a eu un impact important sur vos résultats, alors que vous aviez terminé l'année 2023 à la cinquième place mondiale. Comment le vivez-vous ?
Pendant un an, j'ai eu une période où j'ai voyagé tout le temps, limite toutes les deux semaines, aux États-Unis, au Mexique, en Europe. Je me suis donné à fond, j'ai réussi à devenir top 5 mondial, mais je me suis un peu tué la santé, donc j'ai eu envie de me calmer. Donc le fait de changer la manette tombait bien, puisque dans tous les cas j'aurais baissé dans le classement mondial, en faisant moins de Majors.

Personnellement, la baisse de niveau ne m'a pas du tout affecté. Je sais qu'il n'y a aucun problème avec ma compréhension du jeu, je me positionne bien. Mais je fais pas mal de misinput (le fait de mal appuyer sur la touche, ou au mauvais timing) et je réagissais très lentement au début. J'avais l'impression d'être un humain normal quoi (rires). Je me suis fait fumer par des gens qui ne m'avaient jamais battu, contre qui ce n'était même pas serré.

Comment vous êtes-vous adapté à ces nouvelles données ? Avez-vous dû changer des choses dans votre jeu ?
Beaucoup de gens voyaient les résultats et étaient déçus, ce qui est normal, mais ils ne peuvent pas se rendre compte d'à quel point c'est compliqué de changer de manette après avoir joué avec la même pendant 15 ans. Mais dès que j'ai un peu adapté mes plans en jeu et dès lors que je me suis amélioré avec la manette, j'ai réussi à faire de belles choses. Au final, ça m'a même permis d'apprendre à mieux jouer dans certaines situations, à moins de me reposer sur mon exécution et sur mes punitions.

Par exemple, il y a des joueurs que j'ai battus au Japon malgré le changement de manette qui me battaient à chaque fois jusque-là, comme Gackt (Gakuto Ito, 27e mondial), parce que j'ai compensé sur d'autres aspects... En réalité, j'étais plutôt étonné de mes résultats au Japon. Je pensais que j'allais me manquer beaucoup plus que ça, que ça allait prendre une saison entière pour revenir à mon meilleur niveau, ou au moins six mois. Je me suis déjà bien amélioré, alors que mon premier gros tournoi avec ma nouvelle manette était le 31 mars, et que je n'ai pas beaucoup pu m'entraîner de chez moi...

Depuis le début de l'année, vous vous êtes rendus deux fois au Japon, qui est devenu votre lieu de voyage privilégié, plus que l'Amérique désormais. Qu'est-ce qui rend ces voyages indispensables ?
Je pense que j'ai déjà assez fait l'Amérique, j'ai envie de changer, d'essayer d'autres horizons. Le Japon, c'est complètement différent et c'est, en plus, le meilleur pays du monde, avec les meilleurs entraînements possibles, dans les tournois hebdomadaires ou en ligne. Tout est plus optimal au niveau de Smash. Ils ont plusieurs représentants de chaque personnage donc c'est très intéressant de s'entraîner là-bas.

J'ai vraiment voulu travailler là-dessus, en affrontant des match-ups qui n'existent pas en Europe. En tournoi, j'ai par exemple joué contre un Toon Link, le deuxième meilleur du Japon, que je ne connaissais pas du tout... Alors que j'ai dû affronter une fois le personnage en match officiel de toute ma carrière sur Ultimate !

Sur quoi faut-il encore que vous progressiez pour aller chercher un résultat en Major là-bas ? Qu'est-ce qu'il vous a manqué pendant cette « golden week » ?
Sur le premier tournoi, le Delta, j'ai perdu contre des Steve (dont celui de Mashita « acola » Hayato, n°1 mondial) deux fois... Je ne sais même pas quoi dire, le personnage ne devrait pas exister, il y en a qui gagnent parfois en faisant n'importe quoi. Il m'a manqué de mieux jouer le vis-à-vis direct, encore. Dans le deuxième, le Kagaribi, j'ai perdu (2-3) contre KEN (Kengo Suzuki, 16e mondial), le meilleur Sonic du Japon. C'est un des pires match-ups, quasiment impossible pour Wario.

Au final, j'ai quasiment réussi à gagner dans tous mes affrontements gagnables. Mais tu as forcément des matches compliqués au Japon, vu leur diversité de personnages. La question, c'est plutôt combien tu vas en prendre sur ta route et est-ce que tu peux réussir à les passer. Si on est au même niveau, c'est impossible pour moi de gagner contre les meilleurs Steve et Sonic. J'accepte de me faire détruire à niveau égal... Donc il faut que j'arrive à être beaucoup plus fort. Et il me faut encore plus de travail pour réussir à dépasser cette barre. »

publié le 20 mai 2024 à 19h15 mis à jour le 20 mai 2024 à 19h15
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