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Esport : Mathieu « ZywOo » Herbaut, virtuose français de Counter-Strike

Mathieu « ZywOo » Herbaut, prodige français de Counter-Strike. (Timo Verdeil)
Mathieu « ZywOo » Herbaut, prodige français de Counter-Strike. (Timo Verdeil)

Scruté et suivi depuis de longs mois pour son potentiel sur Counter-Strike, Mathieu « ZywOo » Herbaut, tout juste 18 ans, a rejoint Vitality début octobre, après avoir passé son bac. Au sein de sa première formation de niveau international, il confirme déjà son talent.

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Londres, le 23 septembre dernier. Quelques heures avant le début de la finale du dernier Major de Counter-Strike, un jeune français, pas encore 18 ans - il les a eus le 9 novembre -, au visage rondelet et souriant, timide en apparence, participe à un match d'exhibition. Juste avant la rencontre, Freya Spiers, chargée de réaliser les interviews se penche vers lui : « Qu'est-ce que ça fait de se retrouver devant ce public » ? Le garçon, originaire de Billy-Montigny, à côté de Lens, se marre et répond : « Je ne sais pas » ! La scène se répétera trois fois, les « No, no ! » se succédant aux « I don't know ! » devant des milliers de spectateurs hilares et conquis par ce Mathieu « ZywOo » Herbaut. L'un des futurs grands noms de Counter-Strike.

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Le virtuose

Il est un prodige comme on en voit rarement. Un garçon humble, « une crème », qui aime, comprend et pratique CS : GO comme très peu. « Même s'il ne donne pas l'impression de travailler le jeu, il le fait inconsciemment », expliquent ses anciens coéquipiers Benjamin « waneG » Taquet et Flavien « wallax » Lebreton, qui l'ont découvert et emmené vers le haut niveau. « Il a des mécaniques de jeu très pures, celles d'un joueur qui ressent Counter-Strike. Un truc qui n'arrive qu'aux meilleurs. Pour moi c'est un virtuose », confirme Arthur « pm » Guillermet, son ancien coach. Dans l'esport en général, le talent se remarque par la capacité à anticiper le jeu adverse, avoir un coup d'avance comme aux échecs. Mais aussi dans la rapidité d'exécution, ce qui éloigne la discipline du sport cérébral. Sur ces points précis, ZywOo est en avance sur tout le monde.

Comme beaucoup, Mathieu Herbaut commence à jouer à Counter-Strike dans le sillage de son frère aîné, Thomas, à sept ans et avec un ordinateur pour deux. Très protectrice mais joueuse de jeux vidéo elle-même, leur mère impose des conditions : alternance devant le clavier, couvre-feu à 21h... À neuf ans ZywOo participe à ses premières LANs. Pas loin du domicile familial pour que la maman puisse vérifier régulièrement que tout se passe bien. En tournoi, il est souvent le plus jeune inscrit et ses adversaires sont à chaque fois surpris de voir un petit bonhomme leur expliquer qu'il est le responsable de leurs défaites.

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Le symbole

Très fort en ligne, Mathieu Herbaut progresse au fil des années et rejoint E-Corp avec waneG, wallax et Benoit « MetaL » Guelette, un mentor pour lui, début 2017. En février, il dispute sa première vraie grosse LAN, toujours dans le Nord : la Pasino. Plusieurs pros sont présents. « Jusqu'ici j'allais le chercher vers 11h le dimanche, heure à laquelle il se faisait généralement éliminer, rembobine Nathalie Fontaine, sa mère. Mais là, quand je suis arrivée, il m'a dit que son équipe était encore en lice. Ça a duré jusqu'à une heure du matin, ils ont gagné le tournoi. En rentrant, j'ai commencé à me poser des questions. »

Ce tournoi est un « choc thermique » pour elle, qui n'avait jamais envisagé auparavant que son fils puisse faire carrière dans l'esport. Tout va alors aller très vite. ZywOo et ses coéquipiers rejoignent WySix d'abord, puis la Team aAa, une structure historique de la scène française. Mathieu Herbaut est bien au-dessus du lot. Au point que certains l'accusent de tricher, estimant qu'il est impossible de jouer comme il le fait. « Je m'en fiche, sourit-il aujourd'hui. Je sais que je ne triche pas. Si certains pensent que c'est le cas, ça doit vouloir dire que je ne suis pas mauvais non ? »

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Il n'aura fallu qu'un seul tournoi international pour que ZywOo remporte son premier trophée en tant que professionnel sur Counter-Strike.

Début 2018, les premières équipes internationales - dont EnVyUs - commencent à se pencher sur lui. À 17 ans, quand on a le talent de Mathieu Herbaut, il y a de quoi se laisser tenter. Mais sa mère reste inflexible : il ne partira pas d'aAa avant d'avoir passé son bac. ZywOo doit jongler tant bien que mal entre les cours, les devoirs et les entraînements. L'esport ne bénéficiant d'aucune véritable reconnaissance, il n'existe aucun programme pour accompagner les jeunes talents. Quelque part, Mathieu Herbaut est un symbole. D'une législation en retard, qui s'arrête souvent à un débat sémantique. Sans autre encadrement que celui du staff d'aAa, précieux dans ces moments, la période est difficile pour sa mère et lui : « Les derniers mois surtout, souffle-t-elle. Je me posais beaucoup de questions. J'avais peur de le restreindre. Ça reste un milieu assez obscur. Certains lui faisaient miroiter des choses, on a eu quelques discussions houleuses ». Finalement, Mathieu Herbaut tient bon et obtient son bac électrotechnique avec mention.

L'envol

Début octobre, ZywOo a signé son premier contrat professionnel avec la structure française Vitality, aux côtés de quatre figures de la scène tricolore : Nathan « NBK » Schmitt, Vincent « Happy » Cervoni, Dan « apEX » Madesclaire et Cédric « RpK » Guipouy. Les débuts sont plus qu'encourageants : à Atlanta mi-novembre, pour son premier tournoi international - si l'on excepte l'ESWC à la Paris Games Week en 2017 - et sans autorisation parentale, il a soulevé le trophée. En ayant fait parler son talent.

Mathieu « ZywOo » Herbaut, trophée de la DreamHack Atlanta en main, aux côtés de ses coéquipiers chez Vitality. (Timo Verdeil)
Mathieu « ZywOo » Herbaut, trophée de la DreamHack Atlanta en main, aux côtés de ses coéquipiers chez Vitality. (Timo Verdeil)

En finale, Vitality a pris la première carte et mène 11-5 dans la suivante contre Luminosity. À l'entame du 17e round, les Français sont sous-équipés par rapport aux Brésiliens qui peuvent espérer une remontée. Avec l'un des pistolets les plus faibles du jeu, ZywOo élimine rapidement un adversaire, ramasse un fusil d'assaut et en écarte un deuxième. Sur la chaîne française qui retransmet l'événement, pm, qui connaît bien l'animal et commente, comprend : « Il ne faut pas lui laisser cette arme », s'exclame-t-il en riant. Vingt-cinq secondes et une lecture brillante du jeu plus tard, ZywOo a effacé les cinq Brésiliens et remporté le round à lui seul. Luminosity ne s'en relèvera pas.

« J'ai du mal à voir ses limitessouffle Nathan Schmitt, son leaderIl a encore à apprendre bien sûr, dans le jeu en équipe par exemple, mais c'est un garçon qui peut te mettre bien dans un match quand ce n'est pas censé arriver. Son talent, c'est... proche du don ». Un don que ZywOo veut désormais opposer aux meilleurs du monde. Ils l'attendent déjà.

publié le 11 décembre 2018 à 18h00 mis à jour le 12 décembre 2018 à 12h46
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